Le professeur Cyprien Labulette est chercheur au Centre d’Études Littéraires et de Pêche à la Mouche du Val de Marne. Agrégé de lettres de l’alphabet et de pêche à la mouche, il est surtout connu du grand public pour ses travaux sur Marcel Proust et son œuvre. À quelques jours de la parution de son ouvrage “La recherche avant le temps perdu : naissance d’un chef-d’œuvre”, il nous fait l’honneur de nous accorder une interview.
Shaki Pelott : Professeur Labulette, tout d'abord, est-il vrai que votre livre à paraître dans quelques jours apporte sur la “”Recherche” un éclairage tout à fait inattendu ?
Professeur Labulette : Je dirai qu’il apporte un éclairage, oui, sans doute inattendu pour beaucoup, non pas sur la “Recherche” elle-même, mais bien sur le long processus qui a mené à sa conception dans l’esprit de Marcel Proust.
S.P. : Pouvez-vous en dire plus à nos lecteurs ?
Prof. L. : Il m’est difficile de résumer mon livre, qui fait 3674 pages, en quelques paragraphes. Je peux cependant vous donner une idée des grandes lignes directrices de mon travail de recherche.
S.P. : De recherche sur la “Recherche” ! (rire).
Prof. L. : Oui, tout à fait, tout à fait (rire). Or donc je me suis intéressé aux prémices de la “Recherche”. Il faut savoir que dès son plus jeune âge, Marcel Proust aimait les bonbons et avait décidé d’écrire une œuvre littéraire qui ferait date. Mais il mit longtemps à trouver le chemin qui le mènerait à la recherche du “temps perdu”. On pourrait sans être iconoclaste comparer le démarrage du processus d’écriture de la “Recherche” au démarrage d’une vieille mobylette un peu capricieuse, dont le moteur tousse quand on pédale, s’arrête, tousse encore, s’arrête, et finit enfin par démarrer pour de bon, non sans lâcher un nuage de fumée bleue, je ne me rappelle jamais si c’est par manque d’huile ou de paprika. Le démarrage de ce moteur capricieux, c’est bien sûr la toute première phrase, celle qui décide de l’orientation de toutes les suivantes !
S.P. : Professeur, voulez-vous dire que vous avez pu établir que la première phrase de la “Recherche” n’a pas toujours été “Longtemps, je me suis couché de bonne heure.” ?
Prof. L. : Précisément. Mes travaux l’établissent sans qu’aucun doute ne soit plus permis.
S.K. : Vous avez eu accès à des documents à ce jour inédits ?
Prof. L. : Inédits ou négligés. Je pense en particulier aux manuscrits déposés à la Bibliothèque du Congrès des Amis de Marcel Proust et de la Pêche à la Mouche : ces manuscrits servaient de cales à une vieille armoire bancale !
S.K. : Incroyable ! Des manuscrits inédits de Marcel Proust, sous une vieille armoire bancale ?
Prof. L. : Non, de ce fait elle ne l’était plus. Mais passons, j’ai étudié des milliers de documents pendant des années, et je suis en mesure aujourd’hui d’affirmer que le début de la “Recherche” n’a pas tout de suite eu la forme que nous lui connaissons, et que par conséquent l’objet de la “Recherche” n’a pas toujours été le “temps perdu”. La première phrase a beaucoup varié, jusqu’à ce qu’enfin Marcel, en écrivant “Longtemps, je me suis couché de bonne heure.” ouvre la bonne porte, celle qui ouvrait sur le chef-d’œuvre que nous connaissons.
S.K. : Pouvez-vous donner à nos lecteurs quelques exemples de ces “débuts” à ce jour inconnus ?
Prof. L. : Bien sûr. Par exemple, il y avait comme vous le savez un hammam dans la maison de Combray. Les hammams faisaient à l’époque l’objet d’une mode, comme aujourd’hui le dentifrice à la framboise. C’est sans doute pour cette raison qu’une des premières versions de la recherche commençait par “Longtemps, je me suis douché de bonne heure.” Elle ouvrait sur la “Recherche du gant perdu (de toilette)”, une savante et longue exégèse sur les hammams en plaine de Beauce. Antérieur au hammam est un autre début que l’on doit au goût immodéré de Marcel Proust pour les petites madeleines et autres pâtisseries : “Longtemps, j’ai goûté de bonne heure.” était la première phrase de “La recherche du pain perdu.” Je passe rapidement sur une version libertine de la “Recherche” qui commençait par “Longtemps, je me suis touché de bonheur.” J’ajoute que cette version “troisième rayon”, la “Recherche du con perdu” est une des rares que je n’ai pas authentifiée à cent pour cent, et elle pourrait bien être un canular dû au caractère farceur et impertinent d’Albertine, qui imitait à la perfection l’écriture de Marcel : glisser ce document dans les papiers de son ami aurait été bien dans sa manière. J'ose à peine mentionner la "Recherche du vent perdu", un faux grossier que l'on doit sans doute à quelque galopin et dont je me garderai de citer la phrase introductive ! Pour en revenir à des choses sérieuses, c’est au rhume des foins dont Marcel souffrait à chaque début de printemps que l’on doit sans doute : “Longtemps, je me suis mouché de bonne heure.”, début de la “Recherche de l’éternuement perdu”. Je passe d’innombrables versions que vous découvrirez dans mon ouvrage pour en venir à l’avant-dernière. Comme vous le savez, Marcel était fanatique de pêche à la mouche, ce qui l’amena sans doute à écrire : “Longtemps, je me suis levé de bonne heure.” (pour aller à la pêche - NDLR), début de la “Recherche du thon perdu”.
S.K. : Extraordinaire. On voit en effet que l’on est là tout proche de la version définitive.
Prof. L. : Tout proche en effet ! On se couche au lieu de se lever, le “thon” devient le “temps”, et le tour est joué : en voiture Simone !
S.K. : De Beauvoir ! (rire).
Prof. L. : Tout à fait, tout à fait ! (rire). Au passage, grande amatrice de pêche à la mouche elle aussi !
S.K. : Professeur, merci pour cet entretien qui nous rend impatients de prendre connaissance de votre ouvrage dans son entier dès sa parution !
Prof. L. : Pour l’information de vos lecteurs, je le dédicacerai dimanche en huit et demi à la Bibliothèque du Congrès des Amis de Marcel Proust et de la Pêche à la Mouche à Juvisy.
S.K. : Nous y serons.
© Shaki Pelott et les petites madeleines.
Shaki Pelott : Professeur Labulette, tout d'abord, est-il vrai que votre livre à paraître dans quelques jours apporte sur la “”Recherche” un éclairage tout à fait inattendu ?
Professeur Labulette : Je dirai qu’il apporte un éclairage, oui, sans doute inattendu pour beaucoup, non pas sur la “Recherche” elle-même, mais bien sur le long processus qui a mené à sa conception dans l’esprit de Marcel Proust.
S.P. : Pouvez-vous en dire plus à nos lecteurs ?
Prof. L. : Il m’est difficile de résumer mon livre, qui fait 3674 pages, en quelques paragraphes. Je peux cependant vous donner une idée des grandes lignes directrices de mon travail de recherche.
S.P. : De recherche sur la “Recherche” ! (rire).
Prof. L. : Oui, tout à fait, tout à fait (rire). Or donc je me suis intéressé aux prémices de la “Recherche”. Il faut savoir que dès son plus jeune âge, Marcel Proust aimait les bonbons et avait décidé d’écrire une œuvre littéraire qui ferait date. Mais il mit longtemps à trouver le chemin qui le mènerait à la recherche du “temps perdu”. On pourrait sans être iconoclaste comparer le démarrage du processus d’écriture de la “Recherche” au démarrage d’une vieille mobylette un peu capricieuse, dont le moteur tousse quand on pédale, s’arrête, tousse encore, s’arrête, et finit enfin par démarrer pour de bon, non sans lâcher un nuage de fumée bleue, je ne me rappelle jamais si c’est par manque d’huile ou de paprika. Le démarrage de ce moteur capricieux, c’est bien sûr la toute première phrase, celle qui décide de l’orientation de toutes les suivantes !
S.P. : Professeur, voulez-vous dire que vous avez pu établir que la première phrase de la “Recherche” n’a pas toujours été “Longtemps, je me suis couché de bonne heure.” ?
Prof. L. : Précisément. Mes travaux l’établissent sans qu’aucun doute ne soit plus permis.
S.K. : Vous avez eu accès à des documents à ce jour inédits ?
Prof. L. : Inédits ou négligés. Je pense en particulier aux manuscrits déposés à la Bibliothèque du Congrès des Amis de Marcel Proust et de la Pêche à la Mouche : ces manuscrits servaient de cales à une vieille armoire bancale !
S.K. : Incroyable ! Des manuscrits inédits de Marcel Proust, sous une vieille armoire bancale ?
Prof. L. : Non, de ce fait elle ne l’était plus. Mais passons, j’ai étudié des milliers de documents pendant des années, et je suis en mesure aujourd’hui d’affirmer que le début de la “Recherche” n’a pas tout de suite eu la forme que nous lui connaissons, et que par conséquent l’objet de la “Recherche” n’a pas toujours été le “temps perdu”. La première phrase a beaucoup varié, jusqu’à ce qu’enfin Marcel, en écrivant “Longtemps, je me suis couché de bonne heure.” ouvre la bonne porte, celle qui ouvrait sur le chef-d’œuvre que nous connaissons.
S.K. : Pouvez-vous donner à nos lecteurs quelques exemples de ces “débuts” à ce jour inconnus ?
Prof. L. : Bien sûr. Par exemple, il y avait comme vous le savez un hammam dans la maison de Combray. Les hammams faisaient à l’époque l’objet d’une mode, comme aujourd’hui le dentifrice à la framboise. C’est sans doute pour cette raison qu’une des premières versions de la recherche commençait par “Longtemps, je me suis douché de bonne heure.” Elle ouvrait sur la “Recherche du gant perdu (de toilette)”, une savante et longue exégèse sur les hammams en plaine de Beauce. Antérieur au hammam est un autre début que l’on doit au goût immodéré de Marcel Proust pour les petites madeleines et autres pâtisseries : “Longtemps, j’ai goûté de bonne heure.” était la première phrase de “La recherche du pain perdu.” Je passe rapidement sur une version libertine de la “Recherche” qui commençait par “Longtemps, je me suis touché de bonheur.” J’ajoute que cette version “troisième rayon”, la “Recherche du con perdu” est une des rares que je n’ai pas authentifiée à cent pour cent, et elle pourrait bien être un canular dû au caractère farceur et impertinent d’Albertine, qui imitait à la perfection l’écriture de Marcel : glisser ce document dans les papiers de son ami aurait été bien dans sa manière. J'ose à peine mentionner la "Recherche du vent perdu", un faux grossier que l'on doit sans doute à quelque galopin et dont je me garderai de citer la phrase introductive ! Pour en revenir à des choses sérieuses, c’est au rhume des foins dont Marcel souffrait à chaque début de printemps que l’on doit sans doute : “Longtemps, je me suis mouché de bonne heure.”, début de la “Recherche de l’éternuement perdu”. Je passe d’innombrables versions que vous découvrirez dans mon ouvrage pour en venir à l’avant-dernière. Comme vous le savez, Marcel était fanatique de pêche à la mouche, ce qui l’amena sans doute à écrire : “Longtemps, je me suis levé de bonne heure.” (pour aller à la pêche - NDLR), début de la “Recherche du thon perdu”.
S.K. : Extraordinaire. On voit en effet que l’on est là tout proche de la version définitive.
Prof. L. : Tout proche en effet ! On se couche au lieu de se lever, le “thon” devient le “temps”, et le tour est joué : en voiture Simone !
S.K. : De Beauvoir ! (rire).
Prof. L. : Tout à fait, tout à fait ! (rire). Au passage, grande amatrice de pêche à la mouche elle aussi !
S.K. : Professeur, merci pour cet entretien qui nous rend impatients de prendre connaissance de votre ouvrage dans son entier dès sa parution !
Prof. L. : Pour l’information de vos lecteurs, je le dédicacerai dimanche en huit et demi à la Bibliothèque du Congrès des Amis de Marcel Proust et de la Pêche à la Mouche à Juvisy.
S.K. : Nous y serons.
© Shaki Pelott et les petites madeleines.
je savais déjà tout cela, cet entretien ne m'apprend pas grand chose, mais merci quand même à Shaki Pelott pour sa sagacité et son dévouement, qualités en ce moment fort appréciables car abandonnées par nos jeunes qui font rien qu'à jouer sur internet ! frenchpeterpan
RépondreSupprimerMon cher frenchpeterpan, votre érudition n'est un secret pour personne, mais je suis sûr que vous apprécierez la lecture de l'ouvrage du professeur Labulette, ou au moins ses illustrations à la gouache qui sont de toute beauté, étant donné que le livre est écrit en tout petit et que vous éprouverez quelque difficulté à lire le texte à proprement parler puisque vous avez perdu vos "spectacles" en Écosse.
SupprimerJe ne vais pas citer toutes les digressions qui colorent ton superbe récit... Mais "“Longtemps, j’ai goûté de bonne heure.” était la première phrase de “La recherche du pain perdu.” mérite pour moi une mention spéciale !!! (J'ai éclaté de rire tout haut, et toute seule !)
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup, aussi, le coup des hammamms en Beauce !
En somme, cette déclinaison de tout ce qui fut perdu méritait bien une interview aussi.. comment dire.. Aussi éclairante !!
Mon cher Chat qui... Je dirais même plus : A te lire, je n'ai pas "perdu mon temps" !!
Amélie
J'espère bien que tu n'as pas perdu ton temps, Amélie ! Il ne manquerait plus que cela ! Et merci à toi d'en prendre un peu, du temps, pour écrire tes commentaires qui me font toujours fort plaisir :-)
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