dimanche 8 mai 2011

Bare wires


These are the bare wires of my life
Since it was cut down the middle by love
Tides have been turning - I have been learning
All my bare wires are alive
All my bare wires are alive

John Mayall

Le soir. On allume la télé. On se dit “Non mais t’as vu ç’qu’y passent ? J’veux l’feuilleton à la place !” Ou alors ré-écouter “Vertige de l’amour” ? On zappe, et on se retrouve nez à nez avec Jean-Luc Godard en train de tailler une bavette avec une belle journaliste (“forcément belle” aurait précisé Marguerite) dans un troquet. Sauf son respect, il a une tête de vieil oiseau poilu. On fait mine de rien, comme si on ne le reconnaissait pas, on s’assied, on fait semblant de ne pas du tout s’intéresser à lui, il continue à parler, et nous on écoute. Et je me dis “décidément ce Godard, c’est un drôle d’oiseau poilu”. Je ne le dis pas tout haut pour ne pas le troubler et qu’il ne perde pas le fil de ce qu’il est en train de raconter. La journaliste belle, forcément belle, essaie de savoir ce que ça fait d’être un monument du cinéma. Godard essaie de lui expliquer qu’il n’en sait rien puisqu’il ne reconnaît en lui-même aucune espèce de monument du cinéma. Je repense à ses films. Je me demande si aujourd’hui quelqu’un lit encore du Nouveau Roman. Mais Godard, pas de doute, on le regarde encore. Enfin en ce qui me concerne, je le regarde plutôt en diagonale. Mais une chose est certaine, ses films sont aussi de drôles d’oiseaux. Ils ont ceci de particulier qu’on peut les prendre en route, cela n’a aucune importance puisque l’histoire, le récit n’y ont aucune importance, et même il ne doit surtout pas y avoir d’histoire, de récit au sens classique. Là on est bien dans le parallèle avec le Nouveau Roman. Mais là où le Nouveau Roman n’y a gagné qu’une aridité rédhibitoire, les films de Godard restent curieusement fascinants. Peut-être parce-que voir un film de Godard, ce n’est pas voir un film. Voir un film de Godard, c’est prendre à pleine main un fil électrique dénudé qui traîne par terre, et là, secousse ! Le spectateur se retrouve soudain en connexion directe avec les neurones de Godard, il voit les éclats de couleurs que Godard a vus, entend les bruits que Godard a entendus, surprend les conversations ou les bribes de phrases que Godard a surprises, se fait les réflexions que Godard s’est faites, rêve le fantasme que Godard a rêvé. Ah, le voilà qui se lève. J’espère que ce n’est pas à cause de nous. Non, c’est simplement l’entretien qui est terminé. Il a fini par allumer le cigare qu’il faisait tourner entre ses doigts depuis un moment. Il dit au revoir à la belle journaliste. Il retourne à son nid.
Un drôle d’oiseau poilu, je vous le dis. Comme son cinéma.
Un oiseau rare.

Les auteurs des photos de Jean-Luc Godard me sont inconnus.

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